« Chaque entreprise va devoir trouver sa propre formule pour aménager ses bureaux suite au Covid »
Nous évoquions déjà le sujet il y a quelques semaines (voir : Surfaces de bureaux, quel modèle pour demain ?), l’organisation du travail de bureau est en pleine mutation. Quels enseignements tirer de la crise ? Comment accueillir à nouveau des usagers ? Éléments de réponse prospective avec Martin Pongratz « Director Workplace Strategies » pour CBRE.
Peut-on désormais évaluer les effets de la crise et de la pandémie sur notre manière d’investir les espaces de travail et de bureaux ?
Ce qu’il faut comprendre c’est que la pandémie a ouvert une porte mais que le changement a été très, trop, rapide. On a brisé une sorte de mur autour du télétravail et de la possibilité de rester chez soi pour travailler. Une pratique qui n’était pas toujours bien vue. Une partie de cette nouvelle culture va rester, c’est certain, mais la question est maintenant de savoir dans quelle mesure ? Dans quel périmètre ? Pour quel projet de société ? Qu’est ce qui est réaliste ? Utile et moins utile ? Comment chaque entreprise va réussir à devenir attractive pour ses employés ? Chacune va devoir trouver sa propre formule.
Certains ont pronostiqué la fin des immeubles de bureau…
Dans l’euphorie des premiers mois, quand les services ont fonctionné à distance, quelques-uns ont eu tendance à pronostiquer la fin du travail présentiel et l’effondrement du marché de l’immobilier de bureau. C’était évidemment exagéré. Cela reste intéressant d’avoir un bureau centralisé pour attirer les gens mais peut-être pas exactement de la même manière qu’avant. Les entreprises qui pensent fonctionner à l’identique sont minoritaires. Selon notre estimation, elles représentent environ 20 % des organisations. 50 % d’entre elles sont hésitantes, conscientes qu’il y aura des changements mais elles sont encore dans un processus d’évaluation interne, de réflexion et d’analyse. Les 30 % restantes ont déjà initié des politiques claires et mis en place d’autres trajectoires. Cette nouvelle façon de travailler c’est que nous appelons le bureau hybride.
Comment le définir ?
Pour le moment, il est encore très virtuel mais il sera rapidement virtuel et réel à la fois. Par exemple comment faire coexister dans une même réunion des intervenants en distanciel et en présentiel ? Il va falloir trouver des solutions, faire preuve de flexibilité et revoir la distribution des tâches qui se faisaient avant uniquement au bureau. Cela dépendra des missions, des personnalités et du cadre personnel de chacun. Par exemple un jeune couple avec 2 enfants aura peut-être des difficultés à travailler de la maison pendant les vacances scolaires et cherchera donc à venir au bureau. Pour d’autres ce sera exactement l’inverse. Si on devait projeter une vision grossière sans doute que le travail concentré, individuel et routinier se fera plutôt à la maison. A l’inverse, le bureau sera le lieu des échanges et des interactions.
Pour les entreprises, cela demande de repenser dès à présent la façon d’investir et d’aménager ses espaces ?
Oui, ce sera une question de stratégie générale. Les bureaux de demain ne pourront plus être simplement définis par des chiffres de densité et de mètres carrés. Le système va devenir plus subtil, plus « gris », il y aura de nouveaux calculs sur l’intensité d’utilisation des bureaux, leur consommation d’énergie, l’efficacité de chaque espace. Par exemple si un bureau de six personnes n’est utilisé régulièrement que par deux ou trois personnes simultanément il y a sans doute des économies d’emplacements à prévoir. En revanche, il faudra augmenter le nombre et la taille des salles de réunion, prévoir des zones où l’on pourra être bruyant et avoir une téléconférence avec un collègue resté à la maison. Ce qui se dessine c’est une réduction en taille des surfaces actuelles permettant de financer la création d’infrastructures plus modernes utilisant le virtuel et forçant sur les services. C’est une vraie redistribution des organisations.